Wednesday, July 09, 2008

Observations à propos du projet de protocole facultatif au PIDESC (2008)

Conseil des droits de l'homme - 8ème session 2008

Point 3: Promotion et protection de tous les droits de l’homme.
Rapport du Groupe de travail, à composition non limitée, chargé d’élaborer un Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, sur les travaux de sa cinquième session (A/HRC/8/7). Déclaration orale conjointe CETIM, MRAP, WILPF et la FOndation Danielle Mitterrand France Libertés.

Monsieur le Président,

Le Conseil est saisi d’un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté en avril dernier par son Groupe de travail ad hoc sur cette question conformément à son mandat.

Si nous nous réjouissons de l’avancement de ce processus qui devrait enfin mettre sur un pied d’égalité le traitement de tous les droits humains, nous sommes préoccupés par deux points en particulier.

Premièrement, au terme de la négociation, le droit à l’autodétermination a été sacrifié sur l’autel du consensus, comme il l’a été lors de la négociation de l’Ordre du jour de ce Conseil. Or, l'exclusion de ce droit qui fait partie des fondements même des Nations Unies est extrêmement grave (le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit positif et inaliénable1, inscrit à l’article premier des deux Pactes et à l’article premier de la Charte des Nations Unies). La communauté internationale entend-t-elle réviser la Charte des Nations Unies par d’autres moyens que ceux prévus à son Chapitre XVIII ?

Il ne s’agit pas là seulement de la protection des droits des peuples encore sous domination, mais de la souveraineté de tous les Etats. Même si formellement indépendants, leur souveraineté est souvent mise à mal surtout dans le contexte de la mondialisation. Il s'agit également d’un des droits élémentaires de tout citoyen qui se traduit, dans les sociétés démocratiques, par sa participation aux prises des décisions au niveau national.

Dans le contexte actuel où il n'existe pas de gouvernement mondial ni de démocratie mondiale directe, la souveraineté nationale reste la condition indispensable, même si pas suffisante, de l'exercice d'une démocratie réelle par les peuples et les citoyens.

Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, l’élaboration d’un protocole se rapportant au Pacte est un exercice de procédure qui devra permettre la saisine du Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Il ne s'agit donc pas d'ajouter de nouveaux droits au Pacte. En revanche, il ne faut pas non plus supprimer de facto des droits figurant dans le Pacte, ratifié à ce jour par 158 Etats, car cela constituerait un grand recul et serait incohérent et inconcevable.

Faut-il le rappeler, les droits économiques, sociaux et culturels, comme tous les droits humains, sont interdépendants. L'exclusion de l'un de ces droits mettra en péril la réalisation d'autres droits. C'est encore plus vrai dans le cas du droit à l'autodétermination, car le non respect de ce droit implique inévitablement la violation de tous les autres droits humains.

Monsieur le Président,
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes doit figurer dans le futur protocole. Il n'y a aucun argument valable pour qu’il n’y figure pas.

Le deuxième point de notre préoccupation concerne le paragraphe 4 de l’article 8 du projet de protocole. Selon cette disposition, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels devrait déterminer si une politique d'un Etat est « déraisonnable » pour conclure à une violation du Pacte. Or, la question n’est pas de savoir si une mesure est raisonnable ou déraisonnable, ce qui serait un jugement purement arbitraire ; il s'agit d'évaluer si les mesures prises par un Etat donné sont en adéquation avec les buts du Pacte, conformément à son article 2.1, selon lequel les Etats se sont engagés à adopter « tous les moyens appropriés » pour réaliser les droits économiques, sociaux et culturels.

En conclusion, nous rappelons que l'adoption de ce protocole est une occasion à ne pas manquer, d'une part, pour remettre sur un pied d'égalité tous les droits humains (économiques, sociaux, culturels, civils et politiques) et, d'autre part, pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner les violations constatées.

3 juin 2008
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1) Comité des droits de l’homme - Observation générale no. 12.

SOURCE:
CETIM
Rue Amat 6
1202 Genève | Suisse
cetim@bluewin.ch
Tél. +41 (0)22 731 59 63
Fax +41 (0)22 731 91 52

La réalisation durable pour tous du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire pour prévenir toute crise alimentaire

Conseil des droits de l'homme 2008

Septième session extraordinaire sur l'impact de la crise alimentaire sur le droit à l'alimentation (22 mai 2008) Déclaration écrite conjointe présentée par le CETIM, France Libertés : Fondation Danielle Mitterrand, WILPF, Nord-Sud XXI et le MRAP.

Cote ONU: A/HRC/S-7/NGO/4

INTRODUCTION
Vingt ans après la chute du Mur de Berlin, le système économique libéral, majoritairement considéré comme le seul apte à assurer le bien être de l’humanité, a montré toutes ses limites. Lorsque ce système n’est pas maîtrisé ou qu’il est mal maîtrisé, les conséquences qu’il produit sont aussi néfastes que celles induites par tout autre système économico-social mal maîtrisé.

Les politiques imposées depuis deux décennies aux pays en voie de développement par les organismes financiers internationaux ont provoqué le démantèlement des structures sociales et économique de base. L’abandon des terres et de la production vivrière des communautés rurales et la concentration croissante des populations autour des centres urbains ont conduit à l’émergence et au développement du phénomène de la pauvreté.

Les théories et les pratiques économiques dominantes ont intégré la production et la commercialisation des biens alimentaires dans les cycles classiques de la maximisation des profits : ainsi des monocultures intensives et extensives ont été privilégiées. L’application stricte du modèle de l’offre et de la demande dans la fixation des prix de ces biens a conduit, d’une part, au détournement de la production vers des marchés solvables et, d’autre part, à l’exclusion d’un nombre toujours plus important de « consommateurs » qui n’ont pas les moyens de payer les prix fixés. La concentration du côté de l’offre a permis l’émergence sur ce marché aussi du phénomène de la spéculation.

La preuve est apportée aujourd’hui que l’approche macroéconomique des échanges internationaux n’assure pas, à elle seule, le bien être des peuples des Nations Unies. On constate au contraire que les règles établies dans le cadre de la mondialisation des échanges conduisent à la concentration des moyens financiers et des centres de décision en matière de développement économique et industriel au détriment, souvent, de la réalisation du droit au développement.

Au cours de ces vingt dernières années, l‘Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique ont dépensé vingt-cinq fois plus pour subventionner et stocker leurs productions agricoles que pour soutenir le développement des pays les moins avancés.

Force est de constater que ceux-là mêmes qui ont une responsabilité particulière dans le maintien de la paix dans le monde sont parfois, directement ou indirectement, responsables des conflits locaux ou régionaux : l’exemple du rôle joué par les Etats-Unis d’Amérique au Proche et au Moyen-Orient étant le plus éclatant. Les nombreuses crises de sécurité internationale semblent pouvoir justifier la spéculation sur les prix des matières premières énergétiques qui entraîne une escalade des coûts de production, de transport et, enfin, des prix à la consommation.

Sachant que les dépenses militaires mondiales dépassent largement les 1'000 milliards de dollars US et que les membres permanents du Conseil de sécurité sont parmi les plus gros exportateurs de matériel militaire, y compris vers les pays les plus pauvres, on est bien obligés de convenir que la crise alimentaire actuelle n’est pas une fatalité et qu’une autre approche s’impose.

L’APPROCHE DROITS humains
Il est toujours de bon ton de dire que dans le cadre des relations internationales la question des droits humains n’est qu’un élément, parmi d’autres, auquel on attribue plus ou moins d’importance selon les cas spécifiques.

Toutefois, le droit à l’alimentation1, parce que naturellement et intimement lié au droit à la vie, ne saurait faire l’objet de marchandages. La crise alimentaire qui a conduit aux «émeutes de la faim» nous oblige tous à remettre fondamentalement en question les modèles de développement, les critères déterminant l’aide au développement et enfin les règles régissant les échanges commerciaux.

À l’aube du troisième millénaire, il convient de déterminer clairement la place que l’on veut attribuer à l’être humain : est-il au service d’une croissance prétendument nécessaire ou d’hypothétiques équilibres économiques globaux ou alors il doit être considéré, d’abord, comme le sujet au service duquel l’appareil économique opère avec l’objectif d’améliorer son bien-être ?

Les situations de crise, causées par des catastrophes naturelles ou des conflits, appellent à la solidarité internationale : l’aide alimentaire d’urgence doit faire passer les besoins des bénéficiaires avant ceux des donateurs. Elle ne doit pas être une fin en soi, mais elle doit également favoriser le développement durable en apportant les moyens nécessaires pour que, à terme, les populations concernées puissent jouir de la souveraineté alimentaire.

La réalisation durable pour tous du droit à l’alimentation exige qu’une alimentation adéquate, disponible et accessible soit assurée à chaque être humain. Ceci implique un suivi fondé sur les droits intégrant les normes, critères et principes du système international des droits de l’homme dans les plans, les politiques et les systèmes de développement.2

De plus, chaque Etat devrait reconnaître le rôle essentiel de la coopération internationale et honorer son engagement de prendre conjointement et séparément des mesures pour assurer la pleine réalisation du droit à une nourriture suffisante. Chaque Etat devrait prendre des mesures pour respecter l’exercice du droit à l’alimentation dans les autres pays, protéger ce droit, faciliter l’accès à la nourriture et fournir l’aide nécessaire en cas de besoin. Chaque État devrait, par voie d’accords internationaux s’il y a lieu, faire en sorte que le droit à une nourriture suffisante bénéficie de l’attention voulue et envisager d’élaborer à cette fin de nouveaux instruments juridiques internationaux.3

Il n’est pas inutile de rappeler que si seuls les États ont à rendre compte, tous les membres de la société (y compris le secteur privé) ont des responsabilités dans la réalisation du droit à une nourriture suffisante. L’État doit assurer un environnement qui facilite l’exercice de ces responsabilités. Les entreprises privées − nationales et transnationales − doivent se conformer aux règles du doit international des droits huimains.

Le rôle du Gouvernement est bien entendu déterminant car chaque État doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que toute personne soit à l’abri de la faim. Il faut pour cela que l’État adopte une stratégie nationale visant à assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour tous. La formulation et l’application de stratégies nationales concernant le droit à l’alimentation passent par le respect intégral des principes de responsabilité, de transparence, de participation de la population, de décentralisation, d’efficacité du pouvoir législatif et d’indépendance du pouvoir judiciaire.4

L’application de l’approche « droits humains » requiert un engagement politique de chaque Etat et de tous les Etats ensemble.

VOLONTÉ ET COHÉRENCE POLITIQUE
La volonté de domination est intrinsèque à la nature humaine, elle s’exprime naturellement par l’imposition de la force. Dans le cadre des relations entre les peuples et les Nations cette volonté de domination s’est toujours traduite par l’imposition de la force militaire ou économique, ces dernières décennies l’arme financière est venue enrichir l’arsenal.

Avec la création de l’Organisation des Nations Unies, les peuples se sont dits résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre, à proclamer leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme et à favoriser le progrès économique et social et instaurer de meilleures conditions de vie de tous les peuples.

Ce bel idéal ne peut être concrétisé que par la mise en œuvre de politiques ciblées fruits de l’expression d’une volonté politique qui exige une cohérence de chaque Etat à l’intérieur de ses frontières et dans ses relations internationales. Il est par ailleurs certain que chaque Etat ayant une obligation majeure à la concrétisation du droit à une alimentation adéquate, il lui appartient d’évaluer attentivement toutes les mesures politiques susceptibles d’avoir un impact sur la concrétisation de ce droit.5

Les profondes contradictions internes qui se manifestent au sein de la communauté internationale représentent un obstacle clef à la réalisation du droit à l’alimentation. D’une part, des organismes des Nations Unies comme la FAO, le PAM, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) mettent l’accent sur la justice sociale et les droits de l’homme et font un travail remarquable de promotion du droit à l’alimentation, d’autre part, les institutions de Bretton Woods et l’Organisation mondiale du commerce, refusent de reconnaître l’existence même d’un droit de l’homme à l’alimentation et imposent aux États les plus vulnérables le «Consensus de Washington» qui privilégie la libéralisation, la déréglementation, la privatisation et la compression des budgets nationaux des États, modèle qui, dans bien des cas, génère encore plus d’inégalités.6 Les Etats membres des Conseils d'administration des Institutions de Bretton Woods, ainsi que les Etats membres de l'Organisation Mondiale du Commerce, doivent reconsidérer les politiques qui participent à la crise alimentaire actuelle.

Les questions foncières sont un exemple particulièrement flagrant de la schizophrénie des politiques étatiques et, par là, du système des Nations Unies. En dépit de l’importance que la communauté internationale accorde à des modèles de réforme agraire qui favorisent des changements de structure et de redistribution, des contradictions persistent. En effet, les modèles de réforme foncière «assistés par le marché» ou «négociés» prônés par la Banque mondiale ont pour résultat de mettre l’accent non plus sur le droit à la terre et la redistribution, mais sur le fait qu’on ne peut accéder à la terre qu’en l’achetant au prix du marché, en dépit d’un contexte d’inégalités engendrées par l’histoire.7

De plus, la puissance économique variant considérablement selon les États, ceux qui sont puissants négocient des règles commerciales qui ne sont ni régulières ni équitables. Ces règles nuisent considérablement aux petits paysans et menacent la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays en développement qui ont dû libéraliser leur agriculture dans une mesure beaucoup plus importante que les pays développés.8

RECOMMANDATIONS
Afin de faire front aux situations de catastrophes ou de conflits provocant un grand nombre de victimes ne pouvant, suite à ces événements, s’alimenter correctement de manière autonome, il est impératif que :

un stock mondial permanent de denrées alimentaires de première nécessité soit constitué (tenant compte de la capacité productive de chaque Etat membre) sous administration directe du Programme alimentaire mondial et qu’un statut de « réfugié de la faim » soit rapidement adopté.

La réalisation durable pour tous du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire exige que :
- tous les Etats deviennent parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et que toutes les réserves soient levées ;

- les politiques de développement, agricoles et énergétiques, commerciales et d’investissement, aux niveaux nationale et internationale soient cohérente avec l’objectif de la réalisation du droit à l’alimentation et, au minimum, ne portent pas atteinte à ce droit ;

- les politiques nationales de développement priorisent les productions agricoles vivrières notamment par l’accès au plus grand nombre possible aux moyens nécessaires (terre, semences, eau, etc.) à la réalisation de l’indépendance alimentaire en favorisant la diversité biologique naturelle ;

- les cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM) soient immédiatement suspendues afin d’étudier les conséquences sur la diversité biologique naturelle ;

- les cultures intensives aux fins de production de carburants (agro-carburants) soient suspendues ;

- les institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, doivent intégrer systématiquement le respect des droits économiques, sociaux et culturels, dont le droit à l’alimentation, dans leurs politiques à venir ;

- ce droit soit justiciable et que toute personne ou tout groupe qui est victime d’une violation du droit à l’alimentation puisse avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, aux échelons tant national qu’international9 ;

- au titre de suivi de cette session spéciale, le Conseil des droits de l’homme puisse être saisi à chacune de ses sessions des violations graves et persistantes à ce droit.



1) Le droit à l'alimentation est le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur et qui assure une vie physique et psychique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne.
2) FAO, 2006 – Les directives sur le droit à l’alimentation (p.27)
3) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999 – Observation générale no.12 (par.36).
4) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999 – Observation générale no.12 (parr.21 et 23).
5) FAO, 2006 – Les directives sur le droit à l’alimentation (p.57).
6) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler (A/HRC/7/5 – par.24).
7) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler (A/HRC/7/5 – parr.26 et 27).
8) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler (A/HRC/7/5 – par.31).
9) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999 – Observation générale no.12 (par.32)


SOURCE:
CETIM
Rue Amat 6
1202 Genève | Suisse
cetim@bluewin.ch
Tél. +41 (0)22 731 59 63
Fax +41 (0)22 731 91 52

La réalisation durable pour tous du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire pour prévenir toute crise alimentaire

Conseil des droits de l'homme 2008

Septième session extraordinaire sur l'impact de la crise alimentaire sur le droit à l'alimentation (22 mai 2008) Déclaration écrite conjointe présentée par le CETIM, France Libertés : Fondation Danielle Mitterrand, WILPF, Nord-Sud XXI et le MRAP.

Cote ONU: A/HRC/S-7/NGO/4



INTRODUCTION
Vingt ans après la chute du Mur de Berlin, le système économique libéral, majoritairement considéré comme le seul apte à assurer le bien être de l’humanité, a montré toutes ses limites. Lorsque ce système n’est pas maîtrisé ou qu’il est mal maîtrisé, les conséquences qu’il produit sont aussi néfastes que celles induites par tout autre système économico-social mal maîtrisé.

Les politiques imposées depuis deux décennies aux pays en voie de développement par les organismes financiers internationaux ont provoqué le démantèlement des structures sociales et économique de base. L’abandon des terres et de la production vivrière des communautés rurales et la concentration croissante des populations autour des centres urbains ont conduit à l’émergence et au développement du phénomène de la pauvreté.

Les théories et les pratiques économiques dominantes ont intégré la production et la commercialisation des biens alimentaires dans les cycles classiques de la maximisation des profits : ainsi des monocultures intensives et extensives ont été privilégiées. L’application stricte du modèle de l’offre et de la demande dans la fixation des prix de ces biens a conduit, d’une part, au détournement de la production vers des marchés solvables et, d’autre part, à l’exclusion d’un nombre toujours plus important de « consommateurs » qui n’ont pas les moyens de payer les prix fixés. La concentration du côté de l’offre a permis l’émergence sur ce marché aussi du phénomène de la spéculation.

La preuve est apportée aujourd’hui que l’approche macroéconomique des échanges internationaux n’assure pas, à elle seule, le bien être des peuples des Nations Unies. On constate au contraire que les règles établies dans le cadre de la mondialisation des échanges conduisent à la concentration des moyens financiers et des centres de décision en matière de développement économique et industriel au détriment, souvent, de la réalisation du droit au développement.

Au cours de ces vingt dernières années, l‘Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique ont dépensé vingt-cinq fois plus pour subventionner et stocker leurs productions agricoles que pour soutenir le développement des pays les moins avancés.

Force est de constater que ceux-là mêmes qui ont une responsabilité particulière dans le maintien de la paix dans le monde sont parfois, directement ou indirectement, responsables des conflits locaux ou régionaux : l’exemple du rôle joué par les Etats-Unis d’Amérique au Proche et au Moyen-Orient étant le plus éclatant. Les nombreuses crises de sécurité internationale semblent pouvoir justifier la spéculation sur les prix des matières premières énergétiques qui entraîne une escalade des coûts de production, de transport et, enfin, des prix à la consommation.

Sachant que les dépenses militaires mondiales dépassent largement les 1'000 milliards de dollars US et que les membres permanents du Conseil de sécurité sont parmi les plus gros exportateurs de matériel militaire, y compris vers les pays les plus pauvres, on est bien obligés de convenir que la crise alimentaire actuelle n’est pas une fatalité et qu’une autre approche s’impose.

L’APPROCHE DROITS humains
Il est toujours de bon ton de dire que dans le cadre des relations internationales la question des droits humains n’est qu’un élément, parmi d’autres, auquel on attribue plus ou moins d’importance selon les cas spécifiques.

Toutefois, le droit à l’alimentation1, parce que naturellement et intimement lié au droit à la vie, ne saurait faire l’objet de marchandages. La crise alimentaire qui a conduit aux «émeutes de la faim» nous oblige tous à remettre fondamentalement en question les modèles de développement, les critères déterminant l’aide au développement et enfin les règles régissant les échanges commerciaux.

À l’aube du troisième millénaire, il convient de déterminer clairement la place que l’on veut attribuer à l’être humain : est-il au service d’une croissance prétendument nécessaire ou d’hypothétiques équilibres économiques globaux ou alors il doit être considéré, d’abord, comme le sujet au service duquel l’appareil économique opère avec l’objectif d’améliorer son bien-être ?

Les situations de crise, causées par des catastrophes naturelles ou des conflits, appellent à la solidarité internationale : l’aide alimentaire d’urgence doit faire passer les besoins des bénéficiaires avant ceux des donateurs. Elle ne doit pas être une fin en soi, mais elle doit également favoriser le développement durable en apportant les moyens nécessaires pour que, à terme, les populations concernées puissent jouir de la souveraineté alimentaire.

La réalisation durable pour tous du droit à l’alimentation exige qu’une alimentation adéquate, disponible et accessible soit assurée à chaque être humain. Ceci implique un suivi fondé sur les droits intégrant les normes, critères et principes du système international des droits de l’homme dans les plans, les politiques et les systèmes de développement.2

De plus, chaque Etat devrait reconnaître le rôle essentiel de la coopération internationale et honorer son engagement de prendre conjointement et séparément des mesures pour assurer la pleine réalisation du droit à une nourriture suffisante. Chaque Etat devrait prendre des mesures pour respecter l’exercice du droit à l’alimentation dans les autres pays, protéger ce droit, faciliter l’accès à la nourriture et fournir l’aide nécessaire en cas de besoin. Chaque État devrait, par voie d’accords internationaux s’il y a lieu, faire en sorte que le droit à une nourriture suffisante bénéficie de l’attention voulue et envisager d’élaborer à cette fin de nouveaux instruments juridiques internationaux.3

Il n’est pas inutile de rappeler que si seuls les États ont à rendre compte, tous les membres de la société (y compris le secteur privé) ont des responsabilités dans la réalisation du droit à une nourriture suffisante. L’État doit assurer un environnement qui facilite l’exercice de ces responsabilités. Les entreprises privées − nationales et transnationales − doivent se conformer aux règles du doit international des droits huimains.

Le rôle du Gouvernement est bien entendu déterminant car chaque État doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que toute personne soit à l’abri de la faim. Il faut pour cela que l’État adopte une stratégie nationale visant à assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour tous. La formulation et l’application de stratégies nationales concernant le droit à l’alimentation passent par le respect intégral des principes de responsabilité, de transparence, de participation de la population, de décentralisation, d’efficacité du pouvoir législatif et d’indépendance du pouvoir judiciaire.4

L’application de l’approche « droits humains » requiert un engagement politique de chaque Etat et de tous les Etats ensemble.

VOLONTÉ ET COHÉRENCE POLITIQUE
La volonté de domination est intrinsèque à la nature humaine, elle s’exprime naturellement par l’imposition de la force. Dans le cadre des relations entre les peuples et les Nations cette volonté de domination s’est toujours traduite par l’imposition de la force militaire ou économique, ces dernières décennies l’arme financière est venue enrichir l’arsenal.

Avec la création de l’Organisation des Nations Unies, les peuples se sont dits résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre, à proclamer leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme et à favoriser le progrès économique et social et instaurer de meilleures conditions de vie de tous les peuples.

Ce bel idéal ne peut être concrétisé que par la mise en œuvre de politiques ciblées fruits de l’expression d’une volonté politique qui exige une cohérence de chaque Etat à l’intérieur de ses frontières et dans ses relations internationales. Il est par ailleurs certain que chaque Etat ayant une obligation majeure à la concrétisation du droit à une alimentation adéquate, il lui appartient d’évaluer attentivement toutes les mesures politiques susceptibles d’avoir un impact sur la concrétisation de ce droit.5

Les profondes contradictions internes qui se manifestent au sein de la communauté internationale représentent un obstacle clef à la réalisation du droit à l’alimentation. D’une part, des organismes des Nations Unies comme la FAO, le PAM, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) mettent l’accent sur la justice sociale et les droits de l’homme et font un travail remarquable de promotion du droit à l’alimentation, d’autre part, les institutions de Bretton Woods et l’Organisation mondiale du commerce, refusent de reconnaître l’existence même d’un droit de l’homme à l’alimentation et imposent aux États les plus vulnérables le «Consensus de Washington» qui privilégie la libéralisation, la déréglementation, la privatisation et la compression des budgets nationaux des États, modèle qui, dans bien des cas, génère encore plus d’inégalités.6 Les Etats membres des Conseils d'administration des Institutions de Bretton Woods, ainsi que les Etats membres de l'Organisation Mondiale du Commerce, doivent reconsidérer les politiques qui participent à la crise alimentaire actuelle.

Les questions foncières sont un exemple particulièrement flagrant de la schizophrénie des politiques étatiques et, par là, du système des Nations Unies. En dépit de l’importance que la communauté internationale accorde à des modèles de réforme agraire qui favorisent des changements de structure et de redistribution, des contradictions persistent. En effet, les modèles de réforme foncière «assistés par le marché» ou «négociés» prônés par la Banque mondiale ont pour résultat de mettre l’accent non plus sur le droit à la terre et la redistribution, mais sur le fait qu’on ne peut accéder à la terre qu’en l’achetant au prix du marché, en dépit d’un contexte d’inégalités engendrées par l’histoire.7

De plus, la puissance économique variant considérablement selon les États, ceux qui sont puissants négocient des règles commerciales qui ne sont ni régulières ni équitables. Ces règles nuisent considérablement aux petits paysans et menacent la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays en développement qui ont dû libéraliser leur agriculture dans une mesure beaucoup plus importante que les pays développés.8

RECOMMANDATIONS
Afin de faire front aux situations de catastrophes ou de conflits provocant un grand nombre de victimes ne pouvant, suite à ces événements, s’alimenter correctement de manière autonome, il est impératif que :

un stock mondial permanent de denrées alimentaires de première nécessité soit constitué (tenant compte de la capacité productive de chaque Etat membre) sous administration directe du Programme alimentaire mondial et qu’un statut de « réfugié de la faim » soit rapidement adopté.

La réalisation durable pour tous du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire exige que :
- tous les Etats deviennent parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et que toutes les réserves soient levées ;

- les politiques de développement, agricoles et énergétiques, commerciales et d’investissement, aux niveaux nationale et internationale soient cohérente avec l’objectif de la réalisation du droit à l’alimentation et, au minimum, ne portent pas atteinte à ce droit ;

- les politiques nationales de développement priorisent les productions agricoles vivrières notamment par l’accès au plus grand nombre possible aux moyens nécessaires (terre, semences, eau, etc.) à la réalisation de l’indépendance alimentaire en favorisant la diversité biologique naturelle ;

- les cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM) soient immédiatement suspendues afin d’étudier les conséquences sur la diversité biologique naturelle ;

- les cultures intensives aux fins de production de carburants (agro-carburants) soient suspendues ;

- les institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, doivent intégrer systématiquement le respect des droits économiques, sociaux et culturels, dont le droit à l’alimentation, dans leurs politiques à venir ;

- ce droit soit justiciable et que toute personne ou tout groupe qui est victime d’une violation du droit à l’alimentation puisse avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, aux échelons tant national qu’international9 ;

- au titre de suivi de cette session spéciale, le Conseil des droits de l’homme puisse être saisi à chacune de ses sessions des violations graves et persistantes à ce droit.



1) Le droit à l'alimentation est le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur et qui assure une vie physique et psychique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne.
2) FAO, 2006 – Les directives sur le droit à l’alimentation (p.27)
3) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999 – Observation générale no.12 (par.36).
4) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999 – Observation générale no.12 (parr.21 et 23).
5) FAO, 2006 – Les directives sur le droit à l’alimentation (p.57).
6) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler (A/HRC/7/5 – par.24).
7) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler (A/HRC/7/5 – parr.26 et 27).
8) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler (A/HRC/7/5 – par.31).
9) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999 – Observation générale no.12 (par.32)

La réalisation durable pour tous du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire pour prévenir toute crise alimentaire

Conseil des droits de l'homme 2008

Septième session extraordinaire sur l'impact de la crise alimentaire sur le droit à l'alimentation (22 mai 2008) Déclaration écrite conjointe présentée par le CETIM, France Libertés : Fondation Danielle Mitterrand, WILPF, Nord-Sud XXI et le MRAP.

Cote ONU: A/HRC/S-7/NGO/4


INTRODUCTION
Vingt ans après la chute du Mur de Berlin, le système économique libéral, majoritairement considéré comme le seul apte à assurer le bien être de l’humanité, a montré toutes ses limites. Lorsque ce système n’est pas maîtrisé ou qu’il est mal maîtrisé, les conséquences qu’il produit sont aussi néfastes que celles induites par tout autre système économico-social mal maîtrisé.

Les politiques imposées depuis deux décennies aux pays en voie de développement par les organismes financiers internationaux ont provoqué le démantèlement des structures sociales et économique de base. L’abandon des terres et de la production vivrière des communautés rurales et la concentration croissante des populations autour des centres urbains ont conduit à l’émergence et au développement du phénomène de la pauvreté.

Les théories et les pratiques économiques dominantes ont intégré la production et la commercialisation des biens alimentaires dans les cycles classiques de la maximisation des profits : ainsi des monocultures intensives et extensives ont été privilégiées. L’application stricte du modèle de l’offre et de la demande dans la fixation des prix de ces biens a conduit, d’une part, au détournement de la production vers des marchés solvables et, d’autre part, à l’exclusion d’un nombre toujours plus important de « consommateurs » qui n’ont pas les moyens de payer les prix fixés. La concentration du côté de l’offre a permis l’émergence sur ce marché aussi du phénomène de la spéculation.

La preuve est apportée aujourd’hui que l’approche macroéconomique des échanges internationaux n’assure pas, à elle seule, le bien être des peuples des Nations Unies. On constate au contraire que les règles établies dans le cadre de la mondialisation des échanges conduisent à la concentration des moyens financiers et des centres de décision en matière de développement économique et industriel au détriment, souvent, de la réalisation du droit au développement.

Au cours de ces vingt dernières années, l‘Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique ont dépensé vingt-cinq fois plus pour subventionner et stocker leurs productions agricoles que pour soutenir le développement des pays les moins avancés.

Force est de constater que ceux-là mêmes qui ont une responsabilité particulière dans le maintien de la paix dans le monde sont parfois, directement ou indirectement, responsables des conflits locaux ou régionaux : l’exemple du rôle joué par les Etats-Unis d’Amérique au Proche et au Moyen-Orient étant le plus éclatant. Les nombreuses crises de sécurité internationale semblent pouvoir justifier la spéculation sur les prix des matières premières énergétiques qui entraîne une escalade des coûts de production, de transport et, enfin, des prix à la consommation.

Sachant que les dépenses militaires mondiales dépassent largement les 1'000 milliards de dollars US et que les membres permanents du Conseil de sécurité sont parmi les plus gros exportateurs de matériel militaire, y compris vers les pays les plus pauvres, on est bien obligés de convenir que la crise alimentaire actuelle n’est pas une fatalité et qu’une autre approche s’impose.

L’APPROCHE DROITS humains
Il est toujours de bon ton de dire que dans le cadre des relations internationales la question des droits humains n’est qu’un élément, parmi d’autres, auquel on attribue plus ou moins d’importance selon les cas spécifiques.

Toutefois, le droit à l’alimentation1, parce que naturellement et intimement lié au droit à la vie, ne saurait faire l’objet de marchandages. La crise alimentaire qui a conduit aux «émeutes de la faim» nous oblige tous à remettre fondamentalement en question les modèles de développement, les critères déterminant l’aide au développement et enfin les règles régissant les échanges commerciaux.

À l’aube du troisième millénaire, il convient de déterminer clairement la place que l’on veut attribuer à l’être humain : est-il au service d’une croissance prétendument nécessaire ou d’hypothétiques équilibres économiques globaux ou alors il doit être considéré, d’abord, comme le sujet au service duquel l’appareil économique opère avec l’objectif d’améliorer son bien-être ?

Les situations de crise, causées par des catastrophes naturelles ou des conflits, appellent à la solidarité internationale : l’aide alimentaire d’urgence doit faire passer les besoins des bénéficiaires avant ceux des donateurs. Elle ne doit pas être une fin en soi, mais elle doit également favoriser le développement durable en apportant les moyens nécessaires pour que, à terme, les populations concernées puissent jouir de la souveraineté alimentaire.

La réalisation durable pour tous du droit à l’alimentation exige qu’une alimentation adéquate, disponible et accessible soit assurée à chaque être humain. Ceci implique un suivi fondé sur les droits intégrant les normes, critères et principes du système international des droits de l’homme dans les plans, les politiques et les systèmes de développement.2

De plus, chaque Etat devrait reconnaître le rôle essentiel de la coopération internationale et honorer son engagement de prendre conjointement et séparément des mesures pour assurer la pleine réalisation du droit à une nourriture suffisante. Chaque Etat devrait prendre des mesures pour respecter l’exercice du droit à l’alimentation dans les autres pays, protéger ce droit, faciliter l’accès à la nourriture et fournir l’aide nécessaire en cas de besoin. Chaque État devrait, par voie d’accords internationaux s’il y a lieu, faire en sorte que le droit à une nourriture suffisante bénéficie de l’attention voulue et envisager d’élaborer à cette fin de nouveaux instruments juridiques internationaux.3

Il n’est pas inutile de rappeler que si seuls les États ont à rendre compte, tous les membres de la société (y compris le secteur privé) ont des responsabilités dans la réalisation du droit à une nourriture suffisante. L’État doit assurer un environnement qui facilite l’exercice de ces responsabilités. Les entreprises privées − nationales et transnationales − doivent se conformer aux règles du doit international des droits huimains.

Le rôle du Gouvernement est bien entendu déterminant car chaque État doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que toute personne soit à l’abri de la faim. Il faut pour cela que l’État adopte une stratégie nationale visant à assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour tous. La formulation et l’application de stratégies nationales concernant le droit à l’alimentation passent par le respect intégral des principes de responsabilité, de transparence, de participation de la population, de décentralisation, d’efficacité du pouvoir législatif et d’indépendance du pouvoir judiciaire.4

L’application de l’approche « droits humains » requiert un engagement politique de chaque Etat et de tous les Etats ensemble.

VOLONTÉ ET COHÉRENCE POLITIQUE
La volonté de domination est intrinsèque à la nature humaine, elle s’exprime naturellement par l’imposition de la force. Dans le cadre des relations entre les peuples et les Nations cette volonté de domination s’est toujours traduite par l’imposition de la force militaire ou économique, ces dernières décennies l’arme financière est venue enrichir l’arsenal.

Avec la création de l’Organisation des Nations Unies, les peuples se sont dits résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre, à proclamer leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme et à favoriser le progrès économique et social et instaurer de meilleures conditions de vie de tous les peuples.

Ce bel idéal ne peut être concrétisé que par la mise en œuvre de politiques ciblées fruits de l’expression d’une volonté politique qui exige une cohérence de chaque Etat à l’intérieur de ses frontières et dans ses relations internationales. Il est par ailleurs certain que chaque Etat ayant une obligation majeure à la concrétisation du droit à une alimentation adéquate, il lui appartient d’évaluer attentivement toutes les mesures politiques susceptibles d’avoir un impact sur la concrétisation de ce droit.5

Les profondes contradictions internes qui se manifestent au sein de la communauté internationale représentent un obstacle clef à la réalisation du droit à l’alimentation. D’une part, des organismes des Nations Unies comme la FAO, le PAM, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) mettent l’accent sur la justice sociale et les droits de l’homme et font un travail remarquable de promotion du droit à l’alimentation, d’autre part, les institutions de Bretton Woods et l’Organisation mondiale du commerce, refusent de reconnaître l’existence même d’un droit de l’homme à l’alimentation et imposent aux États les plus vulnérables le «Consensus de Washington» qui privilégie la libéralisation, la déréglementation, la privatisation et la compression des budgets nationaux des États, modèle qui, dans bien des cas, génère encore plus d’inégalités.6 Les Etats membres des Conseils d'administration des Institutions de Bretton Woods, ainsi que les Etats membres de l'Organisation Mondiale du Commerce, doivent reconsidérer les politiques qui participent à la crise alimentaire actuelle.

Les questions foncières sont un exemple particulièrement flagrant de la schizophrénie des politiques étatiques et, par là, du système des Nations Unies. En dépit de l’importance que la communauté internationale accorde à des modèles de réforme agraire qui favorisent des changements de structure et de redistribution, des contradictions persistent. En effet, les modèles de réforme foncière «assistés par le marché» ou «négociés» prônés par la Banque mondiale ont pour résultat de mettre l’accent non plus sur le droit à la terre et la redistribution, mais sur le fait qu’on ne peut accéder à la terre qu’en l’achetant au prix du marché, en dépit d’un contexte d’inégalités engendrées par l’histoire.7

De plus, la puissance économique variant considérablement selon les États, ceux qui sont puissants négocient des règles commerciales qui ne sont ni régulières ni équitables. Ces règles nuisent considérablement aux petits paysans et menacent la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays en développement qui ont dû libéraliser leur agriculture dans une mesure beaucoup plus importante que les pays développés.8

RECOMMANDATIONS
Afin de faire front aux situations de catastrophes ou de conflits provocant un grand nombre de victimes ne pouvant, suite à ces événements, s’alimenter correctement de manière autonome, il est impératif que :

un stock mondial permanent de denrées alimentaires de première nécessité soit constitué (tenant compte de la capacité productive de chaque Etat membre) sous administration directe du Programme alimentaire mondial et qu’un statut de « réfugié de la faim » soit rapidement adopté.

La réalisation durable pour tous du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire exige que :
- tous les Etats deviennent parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et que toutes les réserves soient levées ;

- les politiques de développement, agricoles et énergétiques, commerciales et d’investissement, aux niveaux nationale et internationale soient cohérente avec l’objectif de la réalisation du droit à l’alimentation et, au minimum, ne portent pas atteinte à ce droit ;

- les politiques nationales de développement priorisent les productions agricoles vivrières notamment par l’accès au plus grand nombre possible aux moyens nécessaires (terre, semences, eau, etc.) à la réalisation de l’indépendance alimentaire en favorisant la diversité biologique naturelle ;

- les cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM) soient immédiatement suspendues afin d’étudier les conséquences sur la diversité biologique naturelle ;

- les cultures intensives aux fins de production de carburants (agro-carburants) soient suspendues ;

- les institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, doivent intégrer systématiquement le respect des droits économiques, sociaux et culturels, dont le droit à l’alimentation, dans leurs politiques à venir ;

- ce droit soit justiciable et que toute personne ou tout groupe qui est victime d’une violation du droit à l’alimentation puisse avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, aux échelons tant national qu’international9 ;

- au titre de suivi de cette session spéciale, le Conseil des droits de l’homme puisse être saisi à chacune de ses sessions des violations graves et persistantes à ce droit.

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1) Le droit à l'alimentation est le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur et qui assure une vie physique et psychique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne.
2) FAO, 2006 – Les directives sur le droit à l’alimentation (p.27)
3) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999 – Observation générale no.12 (par.36).
4) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999 – Observation générale no.12 (parr.21 et 23).
5) FAO, 2006 – Les directives sur le droit à l’alimentation (p.57).
6) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler (A/HRC/7/5 – par.24).
7) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler (A/HRC/7/5 – parr.26 et 27).
8) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler (A/HRC/7/5 – par.31).
9) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999 – Observation générale no.12 (par.32)

SOURCE:CETIM
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L'impact négatif sur la réalisation du droit à l'alimentation de la crise actuelle

Conseil des droits de l'homme 2008
Septième session extraordinaire sur l'impact de la crise alimentaire sur le droit à l'alimentation (22 mai 2008). Déclaration orale conjointe présentée par le CETIM, France Libertés : Fondation Danielle Mitterrand, WILPF et le MRAP.

Monsieur le Président,

Nos organisations1, remercient le nouveau Rapporteur spécial de l’appel qu’il a lancé, elles remercient le Gouvernement cubain de l’initiative prise à cette occasion et se réjouissent de voir que 41 des 47 membres de ce Conseil ainsi que 41 Etats observateurs ont demandé la convocation de cette session spéciale.

La crise mondiale de l’alimentation est grave et profonde. Elle n’est pas le fruit de facteurs naturels ou conjoncturels qui se seraient soudainement manifestés conjointement. C’est pourquoi nous nous réjouissons de ce que la grave augmentation des prix de l'alimentation ne soit considérée qu’une cause, parmi d’autres, de cette crise.

En effet, Monsieur le Président, cette crise alimentaire puise ses racines dans le passée et nombreux sont les experts qui, depuis des lustres, dénoncent les conséquences néfastes produites :

• par des choix budgétaires qui privilégient souvent le développement de l’appareil militaire et sécuritaire des Etats au détriment de celui des populations ;

• par des interventions d’urgence qui n’ont pas tenu et ne tiennent pas compte des besoins à long terme des populations secourues et ne se soucient guère de leur souveraineté alimentaire à long terme ;

• par les politiques mises en oeuvre par le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale qui non seulement ont entretenu la spirale de l’endettement des pays en voie de développement, mais qui de plus, en prônant la restructuration de l’appareil productif national, ont conduit à la perte des outils pouvant assurer la jouissance du droit à l’alimentation ;

• par des accords commerciaux internationaux léonins qui, au bout du compte, entre autres, imposent aux populations pauvres des produits subventionnés venant de l’hémisphère nord, proposés à des prix inférieurs à ceux des produits locaux ; • par la concentration des moyens financiers et agraires de la production et de la distribution.

C’est notamment cette concentration des moyens qui a permis l’émergence du phénomène de la "grave augmentation des prix", phénomène qu’on appelle plus prosaïquement spéculation et qui frappe tant les moyens de production que le produits alimentaires eux-mêmes.

Les denrées alimentaires de base, au même titre que l’eau, sont des éléments intrinsèques du droit à l’alimentation2. En tant que tels, ils ne peuvent et ne doivent pas être utilisés comme une arme, ni faire l’objet de spéculations.

Enfin, Monsieur le Président,

Nos organisations:
- déplorent vivement que ni la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, ni des représentants des victimes de la crise alimentaire n’aient été appelés à faire partie de l’ "Equipe spéciale du Secrétaire général sur la crise alimentaire mondiale" ;

- se félicitent de l’adoption consensuelle de la résolution présentée car, fondamentalement, cela permettra à la communauté internationale de se saisir de la question du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire du strict point de vue des droits humains.

Je vous remercie Monsieur le Président.
22 mai 2008

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1) Voir également les contributions écrites portant la côte A/HRC/S-7/NGO/4 et A/HRC/S-7/NGO/5.
2) Le droit à l'alimentation est le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et
suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur et qui
assure une vie physique et psychique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne

SOURCE;
CETIM
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La Crise alimentaire mondiale

Crise alimentaire mondiale
Conseil des droits de l'homme 2008

Septième session extraordinaire sur l'impact de la crise alimentaire sur le droit à l'alimentation (22 mai 2008). Déclaration orale conjointe présentée par le CETIM, France Libertés : Fondation Danielle Mitterrand, WILPF et le MRAP.


Monsieur le Président,
Les causes de la crise dite alimentaire sont connues de tous : promotion des méthodes agricoles néfastes et des cultures non adaptées, promotion de l’agrobusiness et de la concentration des terres fertiles dans les mains d’une minorité latifundiste, privatisation des mécanismes publics de régulation, promotion des exportations des produits agricoles à des prix de dumping, spéculations boursières, détournement des cultures vivrières pour la fabrication des agrocarburants... la liste est longue.1

Il est heureux d’observer que ces constats, et les sonnettes d’alarme tirées depuis plusieurs décennies par des mouvements sociaux et certaines ONG, soient enfin partagés par la communauté internationale.

Cependant, les réponses apportées à cette crise devraient être à la hauteur de la gravité de la situation et, aussi importantes soient-elles, elles ne peuvent se limiter aux actions humanitaires immédiates. De plus, la composition de la Task Force établie par le Secrétaire général est loin d'être satisfaisante, étant donné qu'elle comprend certains acteurs tels que le FMI, la Banque mondiale et l'OMC qui ont contribué aux politiques à l'origine du désastre actuel alors que les représentants des paysans, acteurs principaux de la production agricole mondiale et en même temps les principales victimes de cette situation en sont exclus.

Dans ce cadre, les Etats devraient revoir leurs politiques économiques, financières et commerciales qui ont conduit à ce désastre, car si des mesures structurelles radicales ne sont pas prises, la crise non seulement perdurera mais de plus s’aggravera.

A ce propos, il est urgent de réformer de fond en comble les institutions financières et commerciales internationales, car il n’est pas tolérable que ces institutions échappent au contrôle démocratique ni que leurs activités contreviennent au droit international en matière de droits humains.

Il est également urgent d’annuler tout accord commercial, bilatéral ou multilatéral, qui provoque la destruction de la production agricole nationale. Cette dernière doit d’ailleurs être destinée en priorité aux besoins des populations locales et s'inscrire dans le cadre de la souveraineté alimentaire.

La spéculation boursière sur les produits alimentaires doit être purement et simplement bannie comme l'a décrété l'Inde depuis l'an dernier. La fabrication des agrocarburants et les cultures OGM doivent être suspendues immédiatement pour une durée minimale de cinq ans.

Monsieur le Président,
Les Etats sont tenus, individuellement et collectivement, à assurer le droit à l’alimentation de tout un chacun. Dans ce cadre, ils doivent coopérer étroitement et être solidaires avec des pays qui se trouvent en difficulté à honorer leurs engagements.

Monsieur le Président,
Les institutions financières et commerciales internationales ainsi que les sociétés transnationales doivent être comptables de leurs actes. Le Conseil des droits de l’homme devrait envisager l’adoption de normes contraignantes pour réglementer les activités de ces dernières. Il doit également se pencher sur un instrument juridique concernant les droits des paysans/paysannes pour une meilleure protection de ce groupe devenu extrêmement vulnérable.


22 mai 2008

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1) Voir également les contributions écrites présentées par nos organisations : A/HRC/S-7/NGO/5, A/HRC/S-7/NGO/4 et A/HRC/S-7/NGO/3.

Source:
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